Présent dans les arcanes du club depuis sa création en 1998, actionnaire majoritaire et président pendant 12 ans, Olivier Delcourt a finalement passé la main – comme il le souhaitait depuis quelques temps – au profit du nouveau propriétaire, Pierre-Henri Deballon. Pour le DFCO comme pour son désormais ex-président, c’est davantage qu’une page qui se tourne ; un chapitre entier. Un chapitre fait de hauts et de bas mais qui aura permis au DFCO de grandir, de se structurer et de s’aguerrir.
Un certain courage et une bonne dose de prudence
Cela peut paraître lointain, notamment pour les plus jeunes supporters qui ont découvert le DFCO lors de ses brillantes années en Ligue 1. Pourtant, quand Olivier Delcourt reprend les rênes du club en mai 2012, la situation est plus que difficile. Fraichement relégué en Ligue 2 après une fin de saison catastrophique (6 défaites et 3 nuls lors des 9 derniers matchs), le DFCO est déchiré par un conflit ouvert entre le président Bernard Gnecchi et l’entraîneur Patrice Carteron et par les volontés de départ de nombreux joueurs cadres. Pire, financièrement, le club flirte avec la catastrophe. Et si Olivier Delcourt, présent au club depuis sa fondation en tant que sponsor et au conseil de surveillance depuis 2011, est évidemment au fait de la situation, il n’en faut pas moins un certain courage pour reprendre la barre d’un navire au bord du naufrage.
Du courage, il en faudra aussi au moment de nommer Olivier Dall’Oglio, sans expérience à ce niveau, au poste d’entraîneur alors que des noms plus connus avaient été évoqués. Un pari audacieux qui, de l’extérieur, pouvait paraître une prise de risque inconsidérée. Ce n’est pourtant pas le genre de la maison. Car si Olivier Delcourt a parfois fait quelques entorses – malheureuses – à cette habitude, son passage au DFCO est toutefois marqué par une réelle prudence dans la gestion du club.
Une prudence qui se matérialise dès l’été 2012, lorsque le club décide, malgré la vente de Benjamin Corgnet et une réduction drastique de la masse salariale, de dépenser le moins possible lors du mercato. Plutôt que viser la remontée immédiate au risque de fragiliser les finances du club, le nouveau président choisit donc de repartir sur un projet de construction à plus long terme, passant par une nécessaire cure d’austérité. Cette gestion précautionneuse se poursuivra les années suivantes. Parfois critiquée par certains supporters, qui oublient au passage que la plupart des clubs français sont déficitaires avant transferts, cette stratégie permettra de constituer petit à petit des réserves (au sens comptable du terme), sans lesquelles, comme nous l’écrivions dans notre article sur les finances du club, le DFCO aurait sans doute eu de grandes difficultés à survivre aux déboires des dernières saisons.
Un virage mal négocié
Cette mauvaise passe vécue récemment par le club, avec deux relégations sportives en trois saisons, Olivier Delcourt en est toutefois lui-même en partie responsable. Tout, finalement, est parti de sa décision de limoger Olivier Dall’Oglio, le dernier jour de l’année 2018. Le DFCO est certes alors dans une situation sportive compliquée, avec une 18e place au classement et un dernier match avant la trêve hivernale catastrophique face à Saint-Etienne (défaite 3-0), lors duquel certains joueurs ont donné le sentiment d’avoir lâché leur coach. Pour autant, le club, à 2 points seulement de la 16e place, est loin d’être dans une situation inextricable et le mercato hivernal tombe à point nommé pour pallier quelques faiblesses de l’effectif. Si, avec le recul, l’aventure d’Olivier Dall’Oglio avec le DFCO était peut-être destinée à s’achever à plus ou moins brève échéance – pas illogique après 7 saisons – la décision du président Delcourt n’en parait pas moins précipitée. Il aurait pu s’inspirer de l’exemple d’Angers qui, dans une situation similaire la saison précédente, avait choisi de maintenir sa confiance à Stéphane Moulin et avait finalement décroché son maintien sans trop trembler sur la fin de saison. D’autant plus qu’en faisant un « panic buy » insensé sur l’attaquant Sory Kaba (arrivé pour 3M€), Olivier Delcourt démontrait que le club avait les moyens financiers d’opérer quelques ajustements pour donner à son coach un groupe plus compétitif.
Cet épisode aurait pu apparaître comme une simple erreur de parcours, mais il aura été finalement l’événement fondateur des années à venir. Car après un maintien obtenu à l’arrachée lors d’un barrage épique face au RC Lens et la volonté d’Antoine Kombouaré, nommé à la place d’Olivier Dall’Oglio, ne pas poursuivre avec le club, le DFCO aborde donc la saison 2019-2020 en ayant beaucoup à reconstruire. Olivier Delcourt tente alors de renouveler le pari gagnant tenté des années plus tôt avec Olivier Dall’Oglio en nommant Stéphane Jobard, lui aussi novice à ce poste et lui aussi ancien adjoint, à la tête de l’équipe première. Un choix intéressant sur le papier, moins dans la réalité. Car malgré une victoire emblématique face au PSG à domicile, le DFCO n’évolue jamais au-delà du la 16e place et doit peut-être son maintien en partie à l’épidémie de covid qui met un terme à la saison après la 28e journée.
Conscient que pour se pérenniser dans l’élite, le DFCO doit passer un cap, Olivier Delcourt décide en parallèle de s’entourer, en faisant appel à l’ancien attaquant Peguy Luyindula, qui arrive à l’été 2019 comme conseiller stratégique du président avant d’être nommé, un an plus tard, au poste de directeur sportif. Poste qu’il quittera à peine quelques mois plus tard, alors que le DFCO, dès l’automne, semble déjà condamné à la Ligue 2.
L’absence de prise de conscience
Le passage de l’ancien international au DFCO va laisser des séquelles très profondes. Le départ des derniers grognards de l’ère Dall’Oglio, à commencer par Sébastien Larcier, le responsable du recrutement ; un mercato 2020 opéré en dépit du bon sens, à coup de joueurs surpayés (tant en indemnités de transfert qu’en salaires), peu impliqués dans le projet et sans recherche de complémentarité au sein de l’effectif ; une mésentente totale avec le coach Stéphane Jobard. Des séquelles qui dureront dans le temps puisque le club va longtemps porter comme des boulets certains joueurs estampillés Luyindula : il a fallu attendre ce mois de juin 2024 pour voir le dernier d’entre eux, Roger Assalé, prendre enfin la porte.
Pour autant, et bien que la direction dijonnaise ce soit beaucoup « cachée » derrière le « passif » Luyindula pour expliquer la mauvaise spirale du club ces dernières saisons, il ne s’agit pas forcément de la plus grosse erreur d’Olivier Delcourt. Oui, Peguy Luyindula était une totale erreur de casting, à tous les niveaux, et sans doute le président a-t-il eu tort de lui donner trop carte blanche. Mais la motivation de départ était cohérente et pertinente. Il s’agissait de faire passer le club dans une nouvelle étape de son développement, pour le pérenniser en Ligue 1 et continuer à le structurer et à le professionnaliser. Difficile de lui reprocher d’avoir cherché à faire encore grandir le club !
En réalité, la plus grosse erreur d’Olivier Delcourt est sans doute venue après. La descente en Ligue 2 aurait dû servir à repartir sur un nouveau projet de fond, à l’image de ce qui avait été fait en 2012. Et ce d’autant plus qu’en l’espace de quelques années, le DFCO avait perdu les trois membres du trio qui avait permis la formidable progression de 2012 à 2018 : Olivier Dall’Oglio, Sébastien Larcier et Olivier Cloarec. Cela aurait permis au club de digérer la relégation et également de se reconnecter avec l’ADN qui avait fait sa réussite : le beau jeu, l’humilité, le recrutement malin dans les divisions inférieures… Mais dès le début, c’est un choix totalement différent qui a été fait, en maintenant en poste un David Linarès, pourtant essoré par une relégation humiliante, en bâtissant un mercato à coup de gros noms et de CV ronflants, en étant persuadé que, parce que le club sortait de 5 années consécutives en Ligue 1 et disposait d’un budget conséquent, cela suffirait à le faire toute de suite remonter.
Cette absence de prise de conscience, cette incapacité à admettre qu’il fallait repartir de zéro sont, de très loin, les points les plus noirs du bilan d’Olivier Delcourt. Car elles portaient en elles les germes de la relégation en National 1. Elles se sont accompagnées d’un embourgeoisement global du club, parfois même d’une certaine arrogance, déconnecté des exigences de professionnalisme nécessaires pour repartir de l’avant. Une conviction qu’il suffisait d’« être » Dijon et de continuer comme avant, que même les avertissements de Patrice Garande (rapidement lassé par l’état d’esprit au club) n’ont pas réussi à ébranler. Pas plus que les nombreuses critiques des supporters, traitées avec mépris par la direction dijonnaise, élargissant encore un peu plus un fossé ouvert lors du conflit avec Lingon’s Boys autour de leur placement dans le bloc central de la tribune nord. Une absence de prise de conscience qui s’est muée en aveuglement et en déni lorsque le DFCO fonçait à toute vitesse dans le mur sous la houlette d’Omar Daf. Mur qui, malgré un sursaut bien trop tardif et la nomination de Pascal Dupraz, n’a pas pu être évité.
C’est sans doute cela, bien plus que l’éviction hâtive d’Olivier Dall’Oglio, bien plus que l’erreur de casting Peguy Luyindula, qui entache vraiment le bilan d’Olivier Delcourt à la tête du DFCO.
Et pourtant, le club a continué de grandir
Dans cette période noire de l’histoire du club, pourtant, tout n’est pas à jeter, loin s’en faut. D’abord parce que malgré ses échecs, Olivier Delcourt a toujours assumé ses responsabilités lorsqu’il s’agissait d’assurer la viabilité financière du club. Que ce soit au travers de sa contribution personnelle ou du gros travail de fidélisation des partenaires, pour beaucoup restés derrière le club en dépit des revers sportifs. D’autres que lui auraient lâché la barre. Il a fait le choix de la tenir, certes parfois maladroitement, mais sans discontinuer.
Ensuite, parce que le marasme sportif de l’équipe fanion ne doit pas faire oublier qu’en parallèle, l’équipe féminine a réussi, parfois à l’arrachée, à conserver sa place parmi l’élite. Et si les joueuses et les staffs sont bien sûr les principaux artisans de cette réussite, celle-ci a également été rendue possible parce qu’Olivier Delcourt n’a jamais mégoté son soutien, notamment financier, à la section féminine. Cela aussi est louable, tant de présidents ayant fait des équipes féminines des variables d’ajustement, facilement sacrifiées.
Enfin, parce que pendant ces années, le club a continué à se structurer et à se moderniser. En particulier au travers des infrastructures. Certes, les diverses structures du nouveau centre d’entraînement et de formation ont été pensées à l’époque où le club comptait sur la manne des droits TV liée au contrat avec Mediapro et représentent aujourd’hui une charge certaine pour le club (d’où la reprise du centre de formation par l’agglomération dijonnaise dans le cadre du rachat). Il n’en reste pas moins que cet investissement dans les infrastructures est plus que louable. D’une part, parce qu’on ne peut pas imaginer un club ambitieux dans le football moderne sans disposer des moyens adaptés à l’optimisation de la performance sportive. D’autre part, parce qu’on a trop vu de clubs proposant des conditions de vie et d’entraînement indignes (Niort et Nîmes en sont des exemples paroxystiques) pour ne pas mesurer la chance de disposer d’un tel environnement, qui devient un réel argument pour attirer des joueurs lorsqu’on évolue en National, voire en Ligue 2.
Au-delà des réussites sportives, des 5 saisons consécutives en Ligue 1 et de la 11e place acquise en 2017/2018, c’est sans doute cela aussi qui restera au crédit d’Olivier Delcourt : le fait d’avoir continué, malgré les échecs et les erreurs, à assurer la pérennité du club, à vouloir le faire grandir et à le préparer pour l’avenir.
Un parfait passage de témoin
L’avenir, c’est entre les mains de Pierre-Henri Deballon qu’il va désormais se construire. Dijonnais d’origine et de cœur, disposant d’une réelle connaissance du club, entrepreneur à succès, il a opéré un rachat marqué par le sérieux et la discrétion et présente aujourd’hui un projet qui coche beaucoup de cases aux yeux des supporters. Et il faut rendre hommage à Olivier Delcourt d’avoir choisi de passer le témoin à ce profil-là. Combien de fois a-t-on vu, ces dernières saisons, des rachats foireux, des modèles scabreux de multipropriété, des vendeurs de rêves roulant propriétaires et supporters dans la farine, de clubs historiques devenus simples filiales de franchises anglaises ? Ce destin-là, le DFCO aurait clairement pu le connaître. Mais finalement, Olivier Delcourt laisse son club entre de bonnes mains, capables d’ouvrir une nouvelle page qu’il n’avait sans doute plus l’énergie d’écrire.
Et s’il donne au DFCO un repreneur digne de lui, il laisse également à son successeur un club qui a commencé à remonter la pente. Les décisions d’Olivier Delcourt avaient, ces dernières années, été souvent malheureuses, notamment en ce qui concerne le choix des hommes. La malédiction semble toutefois avoir été rompue. Nommé en juillet 2022 à la tête du centre de formation, Stéphane Roche a largement structuré et renouvelé ce pan du club, mettant enfin en œuvre un projet et des méthodes en adéquation avec les ambitions du DFCO, notamment sur la post-formation. Un vrai pas en avant dont le club a directement bénéficié cette saison, nombre de jeunes joueurs s’étant révélés au sein de l’effectif dirigé par Benoît Tavenot. Le coach dijonnais, qui a malheureusement répondu à une offre difficile à refuser en provenance du SC Bastia, était lui aussi un choix bien inspiré d’Olivier Delcourt et, s’il peut nourrir des frustrations tant la remontée en Ligue 2 paraissait, a posteriori, accessible dès cette saison, il a toutefois l’immense mérite d’avoir redonné au DFCO une stabilité, de l’ambition et une certaine fierté. Enfin, le vestiaire lui-même semble aujourd’hui débarrassé des profils qui l’ont longtemps gangréné et les supporters dijonnais ont enfin retrouvé un groupe pour lequel ils peuvent nourrir de l’affection.
Si l’on imagine bien qu’Olivier Delcourt aurait préféré laisser un bateau flottant tranquillement dans un port de Ligue 2 plutôt que naviguant sur les eaux troubles du National 1, il transmet en tout cas à un nouveau capitaine prometteur la barre d’un navire qui n’est plus tout à fait à deux doigts du naufrage.
Bon vent, Olivier
Au Dijon Show, nous n’avons jamais tu nos critiques envers la direction quand elles nous semblaient fondées. Nous en avons rappelé certaines dans cet article et nous les maintenons. Pour autant, nous voyons ce qui se passe ailleurs et nous sommes lucides. Oui, Olivier Delcourt a commis des erreurs, certaines ayant eu un lourd impact sur la trajectoire du club. Mais il l’a aussi structuré et fait grandir. Il était aux manettes quand nous, supporters, avons vécu certaines de nos plus belles émotions, quand le DFCO se taillait une place dans la jungle de la Ligue 1. Il ne l’a pas lâché quand le club a été en difficulté. Il est certes le président qui a maintenu aveuglement sa confiance à Omar Daf jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Mais il aussi le président qui pris le risque de nommer Olivier Dall’Oglio puis Benoît Tavenot. 12 ans, c’est long, dans n’importe quel métier. Dans le football, c’est une éternité. S’ouvre maintenant pour le désormais ex-président du DFCO un temps de repos qu’il aura, quoi qu’on en dise, bien mérité.
Nous n’oublierons pas les erreurs et les échecs, surtout parce qu’ils sont autant de leçons à retenir pour l’avenir. Mais nous retiendrons les réussites et les grands moments. Et en souvenir de ce qu’il aura apporté au club, nous ne pouvons que souhaiter bonne route à Olivier Delcourt et bon courage dans ses futures entreprises.
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