DFCO : les raisons du fiasco

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En s'inclinant à Lille, le DFCO a enchaîné sa 5e défaite d'affilée en championnat et n'est plus qu'à un petit point de la place de lanterne rouge. D'une 11e place l'an passé et d'un début de saison canon à ce désastre annoncé, comment notre club en est-il arrivé là ?

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Le regard hagard de Wesley Lautoa sur la pelouse de Pierre Mauroy en dit long. En marquant contre son camp à la 72e minute, celui qui avait jusque-là tenu l'arrière-garde dijonnaise d'une main de fer vient d'hypothéquer toute chance de ramener quelque chose de ce déplacement chez le 2e de Ligue 1. Comme une allégorie de la saison du DFCO : quand rien ne va… Mais il serait trop simple de s'en remettre au manque de chance, à l'absence de réussite et à la mauvaise fortune pour expliquer la difficile situation d'un DFCO plus que jamais menacé de relégation. Les causes de ce fiasco sont nombreuses et collectives. Et certaines sont contre-intuitives.

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Le cadeau empoisonné du début de saison

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Tout avait pourtant commencé comme un conte de fée. Après une très prometteuse 11e place lors de l'exercice précédent, le DFCO a démarré sur les chapeaux de roue la saison 2018/2019, enchaînant trois victoires en autant de journée et pointant à la 2e place du classement au soir de la 3e journée. Seulement voilà, ce début canon a sans doute, paradoxalement, été l'élément déclencheur du désastre dijonnais.

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D'abord, parce que tout cela était en trompe-l'œil, les deux victoires contre Montpellier et Nice étant empruntes d'une réussite insolente. Mais surtout parce qu'à partir de là les têtes se sont mises à tourner, et pas dans le bon sens. Du côté de la direction d'abord, mais nous y reviendrons. Du côté des joueurs ensuite qui, pour un certain nombre d'entre eux, ont perdu la nécessaire humilité qu'un club appelé à jouer d'abord le maintien doit conserver, même quand les résultats sont là. Entre surexposition médiatique, sollicitations multiples et optimisme débridé, cela a visiblement suffit à déstabiliser des joueurs peu habitués à être autant en lumière. Du côté des supporters enfin car, même si cela est naturel, nous aussi nous nous sommes probablement trop enflammés. Combien d'entre nous ont parlé d'Europa League après ces trois victoires en trois journées ? Avec beaucoup de second degré, certes. Mais peut-être aussi avec une pointe d'espoir que nous ne pensions pas si irréaliste.

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Monter trop vite trop haut, dans des sphères où le manque d'oxygène a tendance à racornir les neurones, ça peut provoquer des chutes brutales. Ça n'a rien d'exceptionnel dans l'histoire du sport en général et du foot en particulier. Mais sûrement pensait-on le DFCO suffisamment sain, humble et tranquille pour ne pas tomber dans le piège. Finalement, il n'en a rien été.

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La faillite de l'effectif

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Tant qu’on en est à évoquer les cadeaux empoisonnés, parlons un peu de l’effectif. Car au-delà de la faiblesse du mercato estival, que nous avons déjà largement commenté et sur laquelle il n’est pas nécessaire de revenir, tous s’accordaient à dire que d’avoir conservé la quasi-totalité du groupe de la saison dernière, hormis Baptiste Reynet (et le retour de prêt de Papy Djilobodji), était une très excellente opération pour le DFCO. Avec le recul, là encore, ce qui paraissait très positif à première vue s’est peut-être avéré néfaste pour la suite de la saison.

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Essentiellement parce qu’il semble que certains joueurs aient eu des envies d’ailleurs et qu’ils aient été plus ou moins contraints de rester. D’où, par la suite, rancœurs, têtes qui gambergent, difficultés à se concentrer sur le terrain et potentiels conflits dans le vestiaire. Rien de très sain. Ici, la responsabilité est double. D’une part, de la direction et du staff sportif qui, pour des raisons différentes, ont sans doute forcé les choses pour conserver le groupe plus inchangé possible, ce qui est rarement une bonne solution lorsque ça ne se fait pas un peu naturellement.

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D’autre part, des joueurs concernés eux-mêmes, leur volonté de partir après parfois seulement quelques bons mois au DFCO et leur incapacité à se remettre la tête à l’endroit lorsqu’ils se sont vus contraints de rester traduisant à la fois un manque de professionnalisme flagrant et une absence de reconnaissance envers le club difficilement acceptables. Entre l’attitude de ces candidats au départ, la melonite attrapée par certains après la saison dernière et le début canon de celle-ci et la non-adaptation de certaines recrues (Ciman, Gourcuff), cela fait beaucoup et a abouti à un groupe incapable de réagir, incapable de se remettre en question, incapable de se rendre compte de la spirale négative qui était en train de se mettre en place, incapable d’avoir, sur le terrain, ce supplément d’âme qui l’avait tant porté la saison dernière.

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A cela s’est ajouté le manque de leaders. Dans un groupe qui ne comptait déjà pas beaucoup de joueurs d’expérience, les départs de Reynet et Varrault ont pesé. Les historiques du club, Tavares, Amalfitano, Marié et consorts, s’ils sont des battants sur le terrain ne le sont pas forcément en dehors. Sur le vécu du haut niveau, seuls Wesley Lautoa et Florent Balmont peuvent faire office de référence. Mais le premier, blessé une très grande partie de la saison dernière, arrivait presque avec un statut de recrue, et le second, blessé en début de saison, n’était pas nécessairement destiné à enchaîner les matchs. Ce manque de cadres capables de faire redescendre certains gamins sur terre, de relayer les consignes du staff et de provoquer des sursauts est particulièrement criant au regard des derniers mois.

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Et les coachs dans tout ça ?

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Mais, me direz-vous, tous ces problèmes, c’est au coach de les gérer, non ? Alors oui, la responsabilité du staff n’est évidemment pas nulle dans une telle situation. Nous l’avons largement évoqué il y a quelques semaines, Olivier Dall’Oglio a eu sa part de responsabilité, notamment par sa participation à la gestion estivale de l’effectif d’une part et par une certaine obsession de la solidité défensive d’autre part qui, si elle était louable dans l’idée, a sans doute tué le grain de folie qui masquait jusque-là les faiblesses du DFCO. Le coach dijonnais a également, très certainement, souffert du départ Stéphane Jobard, dont l’influence auprès des joueurs était indéniable.

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Mais depuis cette triste journée de fin décembre, Olivier Dall’Oglio n’est plus le coach du DFCO et c’est Antoine Kombouaré qui est à présent aux commandes de l’équipe. Cependant, rien n’a changé. L’effet Kombouaré, si tant est qu’il y en ait eu un, n’aura duré que l’espace de deux ou trois matchs, et encore. Preuve que le problème n’était sans doute pas là. Quant à AK lui-même, eh bien on n’en attendait pas grand-chose sur le plan tactique et de ce point de vue, on en a pour nos frais. Des tactiques et compositions incompréhensibles, comme jouer avec seulement deux récupérateurs, dont Balmont, contre le PSG ; des joueurs écartés sans raison valable, Enzo Loiodice notamment ; des propos et analyses à la limite du risible, comme reprocher à son équipe, lors de la défaite à Lille, d’avoir trop défendu… après avoir aligné une défense à 5 et seulement deux récupérateurs contre l’une des plus grosses armadas offensives de Ligue 1.

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Mais rien de surprenant là-dedans. On savait que l’éviction d’Olivier Dall’Oglio était une erreur flagrante. On savait qu’Antoine Kombouaré ne serait certainement pas une solution viable et pérenne pour le DFCO, ne serait-ce qu’au regard de sa dernière expérience controversée à Guingamp, mais aussi parce que le mythe du pompier n’est bel et bien qu’un mythe. Tout cela aurait pu être évité si la direction dijonnaise avait agi autrement. Car oui, il est temps de parler de la direction du DFCO. Et il y a beaucoup à dire.

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Une direction en bout de course

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Pourquoi parler de la direction en dernier ? D’une part parce que l’objet de ce billet n’est pas de trouver un coupable mais bien de se rendre compte que personne, ni le staff, ni la cellule de recrutement, ni les joueurs, ni même les supporters, ne peut totalement se dédouaner de la situation actuelle. D’autre part parce que, malgré tout, la direction du DFCO, et Olivier Delcourt en tête, portent une lourde responsabilité dans les déboires du club.

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Le point d’orgue, c’est bien entendu l’éviction d’Olivier Dall’Oglio. Inutile de revenir en détail sur les raisons qui nous font penser que c’est une erreur dramatique, @IlPdg l’a déjà parfaitement fait. Mais même la manière a été catastrophique. En amont d’abord, alors qu’Olivier Dall’Oglio et son staff avait déjà commencé à travailler d’arrache-pied sur le mercato hivernal et la reprise du championnat après la trêve pour repartir sur une nouvelle dynamique. Jeter tout ce travail aux orties sur un coup de tête est plus que dommage. Mais c’est après coup, surtout, que le pire a été atteint. On peut encore passer sur la conférence de presse de présentation d’Antoine Kombouaré, aux limites du ridicule (on y a par exemple appris qu’une des grandes qualités d’AK était qu’il « est impressionnant, physiquement »…), mais pas sur la communication honteuse d’Olivier Delcourt au cours des dernières semaines.

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Outre les anecdotes ubuesques, comme de dire qu’il avait « rêvé » à l’automne d’échanger son coach avec le président de Guingamp (où officiait alors Kombouaré), il a surtout, à plusieurs reprises, répété que le coach kanak avait apporté beaucoup de « travail » et de « professionnalisme ». Il est vrai qu’Olivier Dall’Oglio était bien connu pour être un amateur feignant !! Ce genre de sous-entendu est déjà assez immonde en soit, mais l’est encore plus lorsqu’ils conduisent finalement à piétiner l’héritage d’un des plus grands artisans de la réussite récente du DFCO. De quoi foutre en rogne. Et quand on apprend qu’en plus Olivier Delcourt pousse la muflerie jusqu’à refuser de verser à son ancien coach et ami les compensations qu’il lui doit, la rogne laisse place à un dégoût profond. Olivier Delcourt n’est peut-être pas seul en cause dans le limogeage d’Olivier Dall’Oglio. Difficile en effet d’imaginer que les patrons de certains gros sponsors, Rougeot et IPS par exemple, présents au conseil d’administration, n’aient pas pesé dans la décision. Mais la communication et l’attitude du président dijonnais dans cet épisode ont été franchement écœurantes.

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De plus, tout ne se limite pas au cas Dall’Oglio. Notamment, la direction a eu elle aussi son rôle à jouer dans la politique de recrutement. Difficile d’ailleurs de comprendre pourquoi le DFCO a si peu dépensé pendant l’été, avant de faire un « panic buy » sur Sory Kaba. Lâcher 4M€ sur un attaquant de D2 espagnole alors que le staff en place avant la trêve avait jugé, à raison, que les besoins se situaient surtout au niveau du secteur défensif a de quoi laisser pantois.

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L’attitude envers les supporters s’est également dégradée, envers les ultras en particulier. Aller par exemple jusqu’à demander une liste nominative avec pièce d’identité pour les supporters voulant installer un tifos ou interdire l’accès au stade aux LB’s pour la préparation des tifos, du jour au lendemain, sans explication et en renforçant la sécurité… voilà qui écorne passablement l’image de club familial et bienveillant que le DFCO a longtemps voulu cultiver. On passera sur les Ladies Night, Kiss Cam et autres fadaises mais globalement, on a le sentiment d’une direction qui, à l’image de certains joueurs, a totalement vrillé lorsqu’il y a eu un engouement autour du club. Et qui est aujourd’hui en bout de course.

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Une fin de parcours que les dirigeants dijonnais étaient peut-être déjà en train de préparer d’ailleurs. Comme de nombreux clubs de Ligue 1, le DFCO a été sondé par des fonds d’investissements et il semblerait qu’ils aient reçu une écoute attentive en Bourgogne. Dès lors, certaines décisions apparaissent sous un jour nouveau : vouloir faire à tout prix rester certains joueurs, peu dépenser pour garder un maximum d’argent dans les caisses, pousser pour faire jouer quasi systématiquement un joueur comme Rosier, très bankable, peu importe ses performances… Les dirigeants ont-ils voulu, dans un réflexe classique de vendeur, « habiller la mariée » pour la rendre plus désirable aux yeux des investisseurs, avant de paniquer et de faire n’importe quoi quand les rouages de leur beau projet se sont grippés ? Rien ne permet de l’affirmer, néanmoins ça paraît furieusement logique et crédible.

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Alors, cela étant dit, entendons-nous bien. Olivier Delcourt a fait de grandes choses en faveur du DFCO et, au bout de tant d’années, vouloir se retirer, en faisant si possible un petit bénéfice au passage, n’a rien de d’illogique ni d’immoral. Mais en enchainant les décisions catastrophiques doublées d’une attitude très limite, le président dijonnais est en train de détruire tout ce qui a été patiemment construit.

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Et maintenant, on fait quoi ?

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Honnêtement ? J’en sais foutre rien. Sportivement, on ne voit pas bien ce qui pourrait sauver le DFCO, à part le fait que d’autres équipes sont aussi mal en point. Mais en interne, peu importe le sort du club en fin de saison, un grand ménage sera nécessaire. A ce titre, une relégation pourrait même être saine pour repartir sur de nouvelles bases, un peu comme après à la fin de l’ère Gnecchi. Néanmoins, cela signifierait de la casse pour les salariés du club et peut-être pour les autres équipes, la section féminine, le centre de formation etc. Pas franchement souhaitable.

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Le DFCO arrive à la fin d’un cycle et cela risque de se faire dans la douleur. Ça a même déjà commencé. Mais quoi qu’il en soit, comme après la difficile succession de Rudi Garcia, comme après la relégation en 2012, comme toujours, même quand le club va mal, nous, les supporters, ceux qui aiment ce club, seront toujours là. Et toujours portés vers l’avenir.

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Crédit photos : Vincent Poyer/DFCO, L'Equipe

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