La douloureuse, redoutée mais attendue nouvelle est tombée : pour éviter de finir comme Niort ou Sedan, le Dijon FCO et ses dirigeants ont décidé, afin de réduire ses dépenses bien trop élevées comparées à ses revenus, d’accélérer la restructuration du club et de procéder à un plan de licenciements. Après une émotion palpable sur les réseaux sociaux et les critiques qui ont fusé, remettons de l’ordre pour mieux comprendre cette triste mais impérative mesure pour la survie de notre club.
Une équipe fanion qui s’impose avec la manière chez le 2e du championnat et remonte à un petit point du podium. Une équipe féminine qui réalise le meilleur début de saison de son histoire et s’offre le droit de rêver au top 4. Des joueurs qui communient spontanément avec les supporters et un Gaston-Gérard ragaillardi par une expérience supporter bien plus emballante. À première vue, tout sourit au DFCO en cet automne 2024. Pourtant, en coulisses, la situation n’est pas aussi enthousiasmante. Engagé dans une vitale cure d’austérité depuis son rachat par Pierre-Henri Deballon, le DFCO est entré ces derniers jours dans une nouvelle étape de sa restructuration, avec l’annonce du licenciement à venir de près de 50% des personnels administratifs, soit une dizaine de personnes, et une réduction des dépenses sur l’équipe féminine et le centre de formation.
Avant toute chose, nous ne pouvons qu’avoir une pensée pour les employés qui vivent cette épreuve. Il y a parmi eux des gens que nous connaissons, avec qui nous avons eu l’occasion d’échanger régulièrement voire de collaborer et ce qui leur arrive ne peut nous laisser indifférent. Ils payent les déboires sportifs récents du club et des choix de gestion qui, ces dernières années, ont été discutables. Nous n’oublierons pas ce qu’ils ont apporté au club et nous leur souhaitons de pouvoir rebondir au plus vite.
Pour autant, et aussi dramatique puisse-t-elle être, cette coupe dans les effectifs est un mal nécessaire. Il y a plusieurs mois, bien avant les premières rumeurs de reprise par Pierre-Henri Deballon, nous avions consacré un long article à la situation financière du club, en alertant sur la trajectoire inquiétante prise par les finances du DFCO. Nous nous étions fondés sur les comptes arrêtés à la fin de la saison 2022/2023, conclue par la relégation en N1. Nous avions pointé le déficit historique subi alors par le DFCO, avec une perte de -7,2M€ sur l’ensemble de la saison et les conséquences d’un tel résultat.
D’une part, la disparition de plus de la moitié des réserves (au sens comptable du terme) constituées au fil des ans, ce qui entraînait un risque très important de voir les capitaux propres devenir négatifs à plus ou moins brève échéance. Une situation qui, lorsqu’elle advient, ne peut se conclure que par deux solutions : soit une amélioration drastique des capitaux propres dans un délai de 2 ans (impératif qui mène généralement à des ventes forcées d’actifs et à des coupes budgétaires encore plus fortes que celles auxquelles on assiste aujourd’hui), soit une dissolution de la société. L’argent apporté par Pierre-Henri Deballon, la vente des bâtiments du centre de formation à la métropole du Grand Dijon ainsi que les ventes, exceptionnelles, de Rayane Messi et Cyrique Irié ont permis de décaler ce risque. Mais sans résorption du déficit structurel du DFCO qui s’élève à environ 7M€/an, il s’agit uniquement de reculer pour mieux sauter.
D’autre part, la fonte rapide de la trésorerie disponible, passée entre juin 2022 et juin 2023 de 10,3M€ à 2,0M€. Une trajectoire qui, comme nous l’évoquions dans notre article, mettait le club face au « risque d’un épuisement de la trésorerie et donc de cessation de paiement ». À cet égard, le chiffre évoqué par Pierre-Henri Deballon de seulement 34 000€ de trésorerie restante au mois de juillet dernier (chiffre qui sera vérifiable lorsque les comptes 2023/2024 auront été publiés) ne nous surprend malheureusement pas. Là encore, l’argent frais apporté cet été a permis de régler temporairement le problème mais celui-ci est forcément appelé à se représenter sans réduction majeure du déficit du club.
Ne tournons pas autour du pot : avec des capitaux propres risquant de devenir négatifs et une trésorerie à sec, sans rachat cet été ou injection massive de capitaux par Olivier Delcourt (ce qui, au regard des montants en jeu, était plus qu’hypothétique), le DFCO aurait couru un très fort risque de subir une relégation administrative, voire pire.
Ce risque est aujourd’hui écarté mais de manière seulement temporaire. En N1, il est impossible que le DFCO puisse enregistrer de manière récurrente des revenus de transferts comme ceux réalisés la saison passée avec les ventes de Messi, Irié et, plus tôt, Stawiecki. Le montant déboursé par la métropole dijonnaise pour acquérir les locaux du centre de formation (qui a en partie servi à rembourser la dette pesant sur ces infrastructures) est évidemment lui aussi un « one-off », selon le terme consacré en finance pour décrire un revenu exceptionnel. Sans compter les aides à la relégation qui disparaitront dans le cas d’une 3e saison de suite en N1. Il n’y a donc que deux solutions pour éviter que le DFCO ne voie son avenir de nouveau menacé d’ici quelques années.
La première : un actionnaire disposé à renflouer le déficit à fonds perdus année après année. Cette solution ne serait ni crédible ni saine. Dans quel domaine d’activité trouverait-on normal qu’un chef d’entreprise maintienne à flot au fil des ans un business déficitaire sur ses deniers personnels ? Sauf à considérer le football comme une activité de mécénat philanthropique, cela n’a pas de sens. De plus, cela ne règle rien structurellement. Que se passe-t-il le jour où le généreux propriétaire ne peut ou ne veut plus suivre ? Les supporters Sochaliens l’ont malheureusement découvert lorsque le groupe Nenking a fini par refuser de renflouer le trou creusé par une gestion plus que dispendieuse.
La seule solution viable est donc d’actionner tous les leviers pour réduire, et idéalement annuler, le déficit structurel du club. Tous les leviers, cela sous-entend d’abord réduire la masse salariale. Cela a été fait pour le groupe pro cet été, cela est en passe d’être fait pour les personnels administratifs et, a priori, cela va être fait pour l’équipe féminine d’Arkema Première Ligue. Selon le chiffre avancé par la direction dijonnaise, le budget des féminines est en déficit de 500K€/an. Pour donner un ordre d’idée, c’est quasiment le déficit structurel d’un club comme Orléans, qui lutte en N1 avec le DFCO pour l’accession en Ligue 2. C’est simplement immense et intenable dans le temps. Évidemment, alors que l’équipe réalise le meilleur début de saison de son histoire, pointe à la 4e place et peut raisonnablement rêver de participer aux play-offs à la fin de la saison, cela est plus que frustrant. Mais on peut tout de même espérer que l’excellent début de saison de l’équipe sur le plan sportif incite des partenaires potentiels et les pouvoirs publics à donner un coup de pouce au football féminin dijonnais, même si cela ne devrait pas annuler la nécessité de réduire au moins partiellement la masse salariale.
L’autre levier principal est de réduire les coûts de fonctionnement hors masse salariale. Cela doit passer par des ajustements sur le train de vie du club à différents niveaux. Certains sont incompressibles, comme les 720K€ payés annuellement par le club pour la location du stade (propriété historique de la métropole) et du centre de formation (racheté par la métropole cet été). Notons à ce titre que, contrairement à ce que laissait entendre certaines critiques venant d’opposants politiques à la mairie de Dijon, le loyer payé par le DFCO pour le centre de formation sera le même que le centre de formation dispose ou non de l’agrément FFF. De ce point de vue, la perte de l’agrément envisagée par le DFCO n’aura aucune incidence négative financièrement parlant pour la métropole. D’autres frais sont associés à des contrats hérités de la précédente direction, qu’il n’est pas forcément possible d’annuler. On peut penser par exemple à ce contrat pour le bus siglé DFCO, évoqué par France Bleu Bourgogne, qui s’élève à 40K€/an simplement pour la mise à disposition du véhicule (hors essence, péages, entretien…) et qui court jusqu’en 2028.
Reste donc les coûts sur lesquels le club peut agir. Il y a bien sûr les nombreux petits ajustements qui peuvent être faits sur le fonctionnement quotidien. On peut citer par exemple l’arrêt d’une prestation de traitement de la data utilisée pour le mercato, devenue moins cruciale à court terme, d’autant que le club axe son recrutement essentiellement sur les bons coups venant des divisions inférieures, très peu couvertes par la data. Et il y a ensuite les coûts plus massifs, à commencer par ceux qui découlent du cahier des charges qu’induit l’agrément FFF du centre de formation. Celui-ci est en effet extrêmement exigeant. Pêle-mêle, un nombre minimum d’emplois salariés à temps plein pour les postes d’encadrement, avec des exigences élevées de diplômes pour certains postes, une obligation de prise en charge à 100% des frais de scolarité et d’hébergement des pensionnaires du centre, un minimum de 20 contrats pour les joueurs en formation, des prestations obligatoires d’optimisation de la performance… Autant d’impératifs extrêmement coûteux, alors même que l’aide de 300K€ de l’UEFA pour les centres de formation agréés ne concerne pas les clubs de N1. Dès lors, renoncer à l’agrément FFF tel qu’envisage de le faire le DFCO apparaît, là aussi, comme un mal nécessaire.
Bien sûr, comme pour les féminines, c’est terriblement frustrant en tant que supporters. Alors que, sous la houlette de Stéphane Roche, la formation dijonnaise commençait à gagner de jolies lettres de noblesse, ce retour en arrière est rageant. Car, même si le but n’est évidemment pas d’arrêter de faire de la formation à Dijon, il est indubitable que la perte de l’agrément va aboutir à une perte d’attractivité pour attirer les jeunes joueurs les plus prometteurs. Ceci étant dit, précisons deux choses. D’une part, ne plus souscrire à toutes les exigences de l’agrément – et donc ne plus l’avoir – ne signifie pas automatiquement tout détricoter. On peut légitimement espérer que, parmi les centres ne disposant pas de l’agrément, celui du DFCO figure tout de même parmi les plus attractifs. D’autre part, le non renouvellement de l’agrément peut n’être que temporaire. En termes d’infrastructures, le DFCO est largement au-delà du minimum requis et ces infrastructures vont demeurer, d’autant que le DFCO va continuer à payer le loyer pour les utiliser. Dans le cas où le club retrouverait une situation sportive plus conforme à son statut, par exemple une remontée et une stabilisation en Ligue 2, il suffira de redéployer des moyens logistiques et humains pour être mesure de redemander l’agrément. Un mauvais moment à passer donc, mais qui ne balaye pas totalement le travail et la montée en puissance accomplis ces dernières années.
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