Le 11 janvier dernier, le foot français fêtait un anniversaire bien particulier. Celui des 10 ans du but extraordinaire de Gourcuff face au PSG. La vidéo fait alors à nouveau le tour des réseaux sociaux et les commentaires de Grégoire Margotton prennent soudain une tournure cruelle (« On le compare à Zidane… »). À l’heure du « 10 Years Challenge », la comparaison avec 2019 fait mal. Pour comprendre pourquoi Gourcuff a quitté Dijon par la petite porte, il faut remonter en arrière, car cet échec s’est avant tout écrit loin de nos terres dijonnaises.
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En 2009, Yoann Gourcuff marchait sur l’eau, chef d’orchestre d’un Bordeaux qui allait mettre fin à l’hégémonie lyonnaise. Quelques mois plus tôt, c’est aussi lui qui sauve la France d’un bien mauvais pas en Roumanie. Les Bleus se cherchent un leader technique durant l’une de ses périodes les plus mornes, alors ce sera lui, le « nouveau Zidane », ce surnom maudit qui détruira la carrière de tant de joueurs. Pourtant, il s’en rapproche dans la gestuelle technique, l’élégance sur le terrain, cette capacité à débloquer un match par un geste venu d’ailleurs. Il est beau, il s’exprime bien, il sera ce héros que tout le pays attend. Pourtant tout le monde se trompe et lui devait déjà le savoir au fond de lui. Voilà un poids terrible, un poids qui va faire voler en éclat sa carrière.
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Le mondial en Afrique du Sud est un désastre pour le football français. Cette compétition aurait dû permettre à Gourcuff de devenir un nom incontournable aux quatre coins de la planète. Ce nom que les enfants prononcent en premier quand ils s’imaginent star du ballon rond. Mais Gourcuff est devenu aux yeux des français cet enfant victime de la cruauté de ses camarades mal éduqués. Sa technique gracieuse n’a pas fait de lui un leader qui inspire le respect à tout un vestiaire comme cela a pu être le cas pour un autre meneur de jeu bordelais. La France le sait, Gourcuff n’est pas un meneur d’hommes mais il reste un joueur brillant, comme le foot français en produit peu (à l’époque). Il faut le protéger, le laisser exercer son génie dans un cadre fait pour lui. Quoi de mieux que de devenir le meneur de jeu de l’ogre lyonnais prêt à redevenir le patron de la Ligue 1.
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Aulas fait les choses en grand, présentation à Gerland devant 15 000 personnes façon Barça accueillant le transfert phare du mercato. Une nouvelle fois Gourcuff est la star, le sauveur et surtout un produit marketing, mais de tout cela il n’en veut pas, pas plus qu’être leader. Les blessures commencent à s’enchainer et Gourcuff perd peu à peu son image de jeune premier. Il devient tout d’abord un flop puis un sujet de moqueries. La légende dit même qu’il se serait blessé en promenant son chien. On se gausse de Gourcuff comme d’une mauvaise blague qui laisse apparaitre un large malaise chez les personnes qui n’en rigolent plus depuis très longtemps.
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Ces personnes n’ont jamais cherché à comprendre pourquoi Gourcuff multipliait les blessures, souvent différentes les unes des autres. Pourtant, le regretté Tiburce Darou, son préparateur physique personnel, avait lâché le mot : psychosomatique. Les blessures seraient directement liées à sa condition psychique. Son corps lâche car son mental ne suit plus. Quand tout un pays attend de toi d’être un héros, mais que tu n’as jamais voulu l'être, la pression est trop forte. Dans la vie de tous les jours on parle de burn-out, oui mais voilà, dans le monde du foot, ce mot est tabou. Après tout, ils gagnent tous des millions et roulent en Ferrari, alors à l’heure des gilets jaunes, avoir un burn-out quand on est joueur de foot, ça le fout mal.
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Gourcuff a eu la réaction que toute personne souffrante aurait eu, il est rentré au cocon familial, à Rennes. Il rejoue un peu, retrouve le sourire, rechute. Comme un convalescent revenu chez ses parents, il altère les hauts et les bas. Voulant éviter le syndrome Tanguy, il se sent prêt à repartir mais il a besoin d’un cadre sans pression, où l’on ne lui demandera pas de sauver le monde. Cela tombe bien, il y a en Côte-d’Or ce petit club. On y joue bien au ballon, on n’en parle pas trop et ses joueurs ne sont pas sommés de défiler chaque weekend sur le plateau du CFC. À leur tête, un amoureux du ballon rond, un peu poète et un peu rêveur qui s’accroche à l’idée que le foot c’est avant tout jouer.
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Gourcuff ne résiste pas et ODO l’accueille à bras ouverts avec le secret inavouable d’enfin permettre à Yoann de s’épanouir et faire rayonner le club. Mais voilà, on ne guérit pas facilement de blessures plus psychologiques que physiques. Gourcuff joue peu, le DFCO pendant ce temps patine et flirte avec la zone de relégation. Le discours change, le club a besoin d’un homme fort, providentiel, et tout le monde sait bien que ce ne sera pas Yoann. Plus de place pour les rêveurs, il faut un Commandant, ODO s’en va et avec lui les derniers espoirs de faire renaitre Gourcuff.
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C’est ainsi qu’il a tristement résilié son contrat, le soir de la première victoire du Commandant Kombouaré. Yoann n’était pas prêt, encore rongé par ses démons, des démons créés par le foot français qui l’avait pourtant fait prince. Personne n’a jamais pris le temps de comprendre sa situation, de compatir. Tout va si vite dans le foot, même Dijon aujourd’hui n’a plus le temps. Gourcuff fût certainement l’un des joueurs les plus talentueux de sa génération, mais il n’avait pas les nerfs pour cela, tout le monde n’est pas Mbappé. Avant de moquer Gourcuff, il ne faut pas oublier qu’il reste un homme et notre plus grand regret en tant que supporters dijonnais, est de ne pas avoir eu le temps de lui dire.
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Bonne continuation et courage Yoann.
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