Expérience et performance sportive : un lien évident ?

Changement de cap au DFCO ? Alors que depuis la descente en Ligue 2, le club avait pris l’habitude de recruter des joueurs expérimentés, des noms, des personnes ayant fait des « statistiques » et  ayant de gros CV, le mercato d’été 2024 a radicalement tranché avec cette tendance. Certes, Dijon a tout de même recruté quelques cadres au parcours bien fourni, comme Paul Delecroix et Quentin Bernard, mais a surtout tenté de dénicher de bons joueurs issus de divisions inférieures, avec pas moins de 4 recrues sur 8 issues du championnat de N2. Une stratégie qui renoue avec l’ADN qui a fait les belles heures du club à l’époque de Sébastien Larcier et Olivier Dall’Oglio, mais qui a pu susciter des inquiétudes sur les ambitions et la capacité de l’équipe à performer. Nous nous sommes donc posé la question : quel lien entre expérience et performance sur le terrain ?

En joueurs très expérimenté, Daniel Congré a malheureusement souvent fait partie des joueurs les moins performants de Dijon depuis 3 ans.
Joueur pourtant très expérimenté, Daniel Congré a malheureusement souvent fait partie des joueurs les moins performants de Dijon depuis 3 ans.

Pour y répondre, nous nous sommes livrés à un exercice simple : sur l’ensemble des saisons 2022/2023 et 2023/2024, nous avons comparé la note moyenne obtenue par chaque joueur dans nos debriefs sur la saison et leur « expérience préalable ». Pour définir celle-ci, nous avons regardé le temps de jeu qu’avait cumulé chaque joueur dans sa carrière, avant le début de la saison en question, à un niveau équivalent ou supérieur à la division dans laquelle évoluaient le DFCO cette saison là (pour la saison 2022/2023 : temps de jeu en Ligue 1, Ligue 2 et championnats européennes équivalents ou supérieurs ; pour la saison 2023/2024 : la même chose, avec le temps de jeu en National 1 en plus). Pour plus de facilité, nous avons choisi d’exprimer ce temps de jeu en « équivalent nombre de matchs joués » (temps de jeu total divisé par 90 minutes). Afin également de ne pas trop biaiser les résultats, nous n’avons conservé que les notes moyennes des joueurs ayant été notés au moins 10 fois dans la saison, sachant que nous ne notons, sur chaque match, que les  joueurs ayant joué au moins une mi-temps.

Les résultats, les voici. Et ils sont sans appel :

Bien sûr, comme toute étude statistique, celle-ci comporte quelques biais qu’il faut mentionner. Tout d’abord, le biais dit « du survivant ». En effet, un jeune joueur recruté ou issu de la formation et ayant signé pro, qui n’aurait pas du tout donné satisfaction n’aura eu que très peu de temps de jeu et donc ne ressortira pas de notre analyse, alors qu’il aurait probablement eu une note moyenne relativement faible. On peut ainsi penser à Idrissa Camara ou Reda Benchaa, par exemple. Néanmoins, cela est aussi vrai pour des joueurs expérimentés n’ayant pas davantage donné satisfaction ou ayant été souvent blessés (Mendes et Congré lors de la saison 2023/2024, Lucas Deaux et Assalé lors de la saison précédente…). On peut donc considérer que ces extrêmes, absents de l’analyse, se compensent.

Deuxième biais : notre méthode de notation, qui consiste à ne noter que les joueurs ayant joué plus de 45 minutes, conduit à ne pas prendre en compte des bonnes performances de joueurs étant rentrés en cours de 2e période. On peut penser ainsi à Kader N’Chobi, qui avait écopé de notes assez médiocres lorsqu’il était titulaire en début de saison mais qui s’était montré bien plus convaincant en fin de saison lorsqu’il entrait en jeu en cours de match. Mais là encore, cette logique vaut aussi pour des jeunes joueurs ayant surtout été dans la rotation. Toujours concernant notre méthode de notation, bien que nous fassions toujours au mieux pour être objectifs, il fort probable qu’inconsciemment, nous notions moins sévèrement un jeune joueur qui fait un match tout juste correct (a fortiori s’il n’évolue pas à son poste de formation, comme Zoran Moco la saison dernière) qu’un joueur expérimenté recruté a priori pour être titulaire à son poste. Toutefois, ce biais potentiel n’est pas forcément dérangeant : en effet, il est parfaitement normal d’attendre plus d’un joueur dont on a payé – parfois cher – le transfert et à qui l’on donne un gros salaire, à la hauteur de son supposé statut. En somme, à performances sportives égales, un joueur jeune ou inexpérimenté à ce niveau est bien plus « rentable » qu’un joueur confirmé.

Enfin, il faut bien sûr prendre en compte le contexte dijonnais des dernières saisons. Sur le papier, l’effectif très expérimenté que nous avions en Ligue 2 pouvait paraître cohérent et d’autres équipes ont déjà effectué de bons parcours en faisant ce pari de l’expérience. Par ailleurs, beaucoup de jeunes joueurs ont explosé la saison dernière, mais bien aidés par le fait qu’ils ont été amenés à jouer souvent par la force des choses : Moco suite au couac Pierre Sagna, Etoga grâce aux blessures de Marié, Drouhin et Ariss grâce à celles de Congré et Cissé notamment… Il est probable donc que cet environnement particulier biaise un peu les résultats et renforce cette impression que, en tendance, plus les joueurs ont d’expérience, moins les performances sportives sont probantes.

Pour palier cela, on peut retirer ce que l’on appelle en statistique les « valeurs extrêmes ». Dans le cas présent, on peut enlever, d’une part, le très expérimenté Daniel Congré et sa très médiocre note moyenne de la saison 2022-2023 et, d’autre part, les novices Irié, Etoga et Drouhin, zéro minute en N1 au compteur avant le début de la saison 2023/2024 et des notes moyennes frôlant ou dépassant le 6,0.

Résultat de cet ajustement : on obtient une courbe de tendance plus plate et un R² (coefficient de détermination) inférieur à 0,01. Ce qui veut tout simplement dire que, d’un point de vue statistique, il n’y a strictement aucune corrélation entre performance sportive lors d’une saison donnée (en Ligue 2 comme en National) et expérience préalable. Peut-être cela peut-il paraître finalement très logique après coup mais le démontrer par des données permet de tordre le cou au fantasme, encore trop présent dans le monde du football, selon lequel il suffit de mettre de l’argent, de recruter des gros noms et des gros CV pour avoir une équipe performante. Bien sûr, cela permet aussi de relativiser l’excès inverse, conduisant à ne vouloir faire jouer que des jeunes et des joueurs « inexpérimentés » dont la carrière est encore à faire : ce n’est pas plus certainement un gage de réussite (mais un pari moins coûteux financièrement toutefois que le précédent).

In fine, cela plaide pour ce qui, au fond, paraît la stratégie la plus logique lorsqu’il s’agit de composer un effectif : diversifier les profils en équilibrant entre jeunes issus de la formation, joueurs prometteurs des divisions inférieures, joueurs montants ou confirmés de la division et cadres plus expérimentés et logiquement plus coûteux. De ce point de vue, l’effectif actuel du DFCO, en attendant d’éventuels départs et arrivées d’ici la fin du mercato, semble plutôt bien pondéré :

  • Des jeunes issus de la formation ou de la réserve : Parsemain, Hamada, Montfort en attendant d’autres signatures pro à venir (Akakpo, Djaé… ?), auxquels on peut rajouter Sylla.
  • Des joueurs issus des divisions inférieures : Meyer, Mendy, Diallo, Poisson.
  • Des joueurs cumulant 1 à 2 saisons en N1 : Makutungu, Cissé, Moco, Souici, Chahid, Nassi (annoncé sur le départ), Ben Fredj.
  • Des joueurs expérimentés : Delecroix, Marié, Bernard, Vargas-Rios, Schur, N’Chobi, Mendes (en considérant qu’en cas de départ, les 3 derniers nommés ne seront sans doute pas remplacés par des joueurs aussi expérimentés).

Evidemment, le football n’est pas une science exacte. La petite analyse que nous vous proposons dans cet article ne vaut que pour le DFCO, sur 2 saisons, et est basée sur des notes qui ne représentent que l’appréciation collective des performances des joueurs par Le Dijon Show. Cela renforce toutefois notre conviction : le DFCO a tout intérêt à rompre avec la mauvaise habitude prise depuis quelques saisons de se focaliser uniquement sur une supposée expérience. Il y a intérêt sportivement, si l’on en croît notre analyse, il y a intérêt financièrement et il y a même intérêt en termes d’identité. Car après tout, ce qui a fait les belles heures et la marque de fabrique du DFCO, ce n’est pas de sortir le chéquier et d’être le « PSG de la Ligue 2 ». C’est d’aller dénicher des Corgnet, Bauthéac, Reynet, Tavares, Souquet, Diony, Lees-Melou, Rosier… et d’aller, à peine monté en Ligue 1, coller 4-2 à l’Olympique Lyonnais avec des mecs qui quelques années plus tôt jouaient à la pétanque ou à Lège-Cap-Ferret.

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Commentaires

2 réponses à “Expérience et performance sportive : un lien évident ?”

  1. Avatar de Philippe
    Philippe

    Très bien résumé

  2. Avatar de Gilles PACCAUD
    Gilles PACCAUD

    J’ai toujours apprécié le factuel à travers vos articles et cette analyse pertinente est propre et complète.
    Par contre, terminer par des souvenirs d’avant l’été 2018, est une torture pour les supporteurs que nous sommes.

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